Bon, comment dire que j’aime bien Énard ? (j’ai acheté le matricule des Anges qui lui est consacré, par exemple). Mais après Zone – magnifique ! magnifique! : j’en ai relu quelques pages là pour vérifier, parce qu’avec le temps les goûts changent, l’exigence change aussi – après Zone, y’a j’adore et j’adore moins. Y’a j’adore L’alcool et la nostalgie et j’adore moins : Michel Ange et les éléphants, j’avais apprécié ; Rue des voleurs, j’ai suivi haletant Lakdar. Mais la puissance et une certaine audace de Zone, je ne l’y retrouve pas, dans ces 2 là. Bref, on visite quand même Tanger, Tunis, Barcelone, les villes. (Du coup LEM n’est pas borné, sur ce blog, par Houellebecq.)
Les villes s’apprivoisent, ou plutôt elles nous apprivoisent ; elles nous apprennent à bien nous tenir, elles nous font perdre, petit à petit, notre gangue d’étranger ; elles nous arrachent notre écorce de plouc, nous fondent en elles, nous modèlent à leur image – très vite, nous abandonnons notre démarche, nous ne regardons plus en l’air, nous n’hésitons plus en entrant dans une station de métro, nous avons le rythme adéquat, nous avançons à la bonne cadence, et qu’on soit marocain, pakistanais, anglais, allemand, français, andalou, catalan ou philippin, finalement Barcelone, Londres ou Paris nous dressent comme des chiens. Nous nous surprenons un jour à attendre au passage piéton que le feu soit vert ; nous apprenons la langue, les mots de la ville, ses parfums, sa clameur […]
M. Enard, Rue des voleurs