Depuis quelques temps que je lis du Malcolm LOWRY (en y entrant par les nouvelles & les poèmes), que j’y plus qu’apprécie les descriptions d’âpres lieux (cargos dans la tempête, quai sombres, ports & autres gares, que je lis donc et ne trouve pas de citation adéquat pour ces pages ; depuis le temps est donc révolu, voici :
(Note : Dire quelque part que Martin a vécu si longtemps sur cette planète, qu’il est presque parvenu à se persuader qu’il est un humain. Mais son moi profond sent bien qu’il n’en est pas ainsi, pas tout à fait. Sa vision du monde, il ne pouvait la tirer d’aucun livre. Il n’avait jamais réussi à y découvrir qu’un aspect superficiel de ses souffrances et de ses aspirations. Il avait pris l’habitude de prétendre penser comme les autres, mais ce n’était pas vrai. On admet qu’un grand progrès s’accomplit quand nous découvrîmes que la terre était et non plate. Or, pour Martin, elle était bel et bien plate, mais seule une petite partie, l’arène de ses propres souffrances, lui en apparaissait à la fois. Il ne pouvait non plus se représenter ce machin en rotation, se mouvant d’ouest en est. Il contemplait la Grande Ourse comme on regarde une affiche lumineuse, quelque objet fixe, bien qu’il s’en émerveillât, tel un enfant, en songeant aux diamants de sa mère. Mais il ne pouvait rien faire bouger. L’Univers ne tournait pas, pas plus que les étoiles sur leurs orbites. Le matin, quand le soleil se levait, c’était très exactement là ce qu’il faisait: se lever. Martin était non humain, subordonné à certaines lois, même si, en apparence, il semblait tout au plus un jeune homme normal, présentant bien, aux manières plutôt conventionnelles. Comment expliquer autrement le perpétuel, le pénible conflit qui l’opposait à la réalité,
Malcolm LOWRY in La traversée du Panama