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LES LIGNES DU MONDE – géographie & littérature(s)

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François RANNOU & l’espace (sensible) de la page

rapt. Ensemble de textes. Des vignettes de villes Lisbonne, Barcelone, Dublin, Berlin…. Des textes à (pour)suivre de page en page, tantôt lecture verticale, tantôt lecture horizontale, avec mots articulation pour passer de l’une à l’autre.

Alors.

Un jour fin d’année 2013, Facebook, vers 10h30 du matin, j’ai envoyé ce message à François Rannou :

Cher Monsieur Rannou,

juste un petit mot pour dire que je viens de lire votre rapt, je ne suis pas un bon critique littéraire, mais votre livre, notamment en tant que géo-graphe, m’a particulièrement touché, tant par son fond que par sa forme. J’ai aimé chercher mon chemin de mots dans ce texte qui parfois m’a fait penser à une sorte de scrabble. Des mises en page qui m’ont fait écho à celles de Michel Butor dans nombre de ses poèmes. Ce n’est pas si souvent (à ma connaissance du moins) que les auteurs jouent véritablement avec la mise en page et les niveaux de lectures comme ici. C’est une belle lecture !

RannouRapt1

…l’écho…

De temps en temps, quand la lecture est belle et que l’auteur est accessible, j’aime envoyer un petit mot. Parfois cela accroche une discussion, voir plus.

François Rannou – Merci chaleureusement à vous ! merci pour vos mots et ce que vous dites est juste et me touche. Oui, pour moi, l’espace = l’horizon et la géographie (extérieure & intérieure se répondent se confrontent). J’aime travailler aussi avec d’autres horizons et notre monde m’intéresse tant.

L’écriture, telle qu’elle se présente chez moi, est en fait un paysage et une recherche d’espace liée au réel visible évidemment, un horizon traçable et divers qui s’articule par plans : pans de vue et d’ouïe, situation des voix = situation des corps et gestes qui en découlent et nécessitent de se repérer.

Le rapport à la description et au visible est à la base de mon travail.

RannouRapt2Loran Bart – La géographie sensible.

François Rannou – J’en ai d’ailleurs parlé de façon concrète récemment lors d’un atelier d’écriture numérique où était explorée l’écriture des sensations et comment le livre électronique pouvait en rendre compte aujourd’hui : écriture et connaissances/regard, rapports texte images, sons, vidéos et comment tout cela est traversée de temps : en soi, hors de soi, mémoire physique et « culturelle ». Le temps est une roue.

Oui géographie sensible.

Loran Bart – Je me suis rapidement tourné vers l’étude de textes littéraires en géographie lors de mes études. Justement pour étudier cette influence du sens sur la perception de l’espace. Ce que j’ai bien retrouvé dans rapt, aussi.

(Les 2 extraits sont tirés de RAPT, éditions La Termitière / La Nerthe)

Honoré de BALZAC & Les rues de Paris

P.L.S.: Points, Lignes, Surfaces. Il y a les objets géographiques ; il y a les rues qui en fonction de l’échelle d’observation/représentation passent du point à la ligne puis à la surface. Voilà en quelques lignes (mais il y en a 2 fois plus derrière) de Balzac une typologie des rues parisiennes.

Il est dans Paris certaines rues déshonorées autant que peut l’être un homme coupable d’infamie; puis il existe des rues nobles, puis des rues simplement honnêtes, puis de jeunes rues sur la moralité desquelles le public ne s’est pas encore formé d’opinion; puis des rues assassines, des rues plus vieilles que de vieilles douairières ne sont vieilles, des rues estimables, des rues toujours propres, des rues toujours sales, des rues ouvrières, travailleuses, mercantiles. Enfin, les rues de Paris ont des qualités humaines, et nous impriment par leur physionomie certaines idées contre lesquelles nous sommes sans défense. Il y a des rucs de mauvaise compagnie où vous ne voudriez pas demeurer, et des rues où vous placeriez volontiers votre séjour. Quelques rues, ainsi que la rue Montmartre, ont une belle tête et finissent en queue de poisson. La rue de la Paix est une large rue, une grande rue; mais elle ne réveille aucune des pensées gracieusement nobles qui surprennent une ame impressible au milieu de la rue Royale, et elle manque certainement de la majesté qui règne dans la place Vendôme. Si vous vous promenez dans les rues de l’île Saint-Louis, ne demandez raison de la tristesse nerveuse qui s’empare de vous qu’à la solitude, à l’air morne des maisons et des grands hôtels déserts. Cette île, le cadavre des fermiers généraux, est comme la Venise de Paris. La place de la Bourse est babillarde, active, prostituée; elle n’est belle que par un clair de lune, à deux heures du matin: le jour, c’est un abrégé de Paris; pendant la nuit, c’est comme une rêverie de la Grèce.

Honoré DE BALZAC dans Ferragus

STENDHAL & (d)écrire

Comme nous préparons des ateliers d’écriture au musée, une collègue fait sur le voyage. Comme je me suis intéressé de près à tout cela (le récit de voyage en Italie chez Taine, Suarès et Giono), je lui demande de me prêter ses citations pour voir ; dont celle-ci qui parle à ma géo-graphie.

Cette esquisse est un ouvrage naturel. Chaque soir j’écrivais ce qui m’avait le plus frappé […] Je n’ai presque rien changé à ces phrases incorrectes, mais inspirées par les objets qu’elles décrivent: sans doute beaucoup d’expressions manquent de mesure.

STENDHAL dans Rome, Naples et Florence en 1817

Du paysage (3) & de l’espace

Le paysage est une réduction, irrémédiablement. Le paysage-Aleph n’existe pas. Etant donné « la Terre est ronde », c’est une chose inimaginable, inconcevable, irréalisable. Et ce qui est mais qui est caché, qu’en faire ? Je repense à mon carnet de Géographies. Voici ce que j’y avais noté à propos de l’espace : L’espace : ce tout. Et c’est tout. Tout est-il dans l’espace, vraiment ?

George PEREC & comment décrire

Description d’un chemin


comment décrire?

comment raconter?

comment regarder?

sous la sécheresse des statistiques officielles,

sous le ronronnement rassurant des anecdotes mille fois

ressassées par les guides à chapeaux scouts,

sous la mise en place officielle de ces objets quotidiens

devenus objets de musée, vestiges rares, choses historiques,

images précieuses,

sous la tranquillité factice de ces photographies figées

une fois pour toutes dans l’évidence trompeuse de leur

noir et blanc,

comment reconnaître ce lieu?

restituer ce qu’il fut?

comment lire ces traces?

comment aller au-delà,

aller derrière

ne pas nous arrêter à ce qui nous est donné à

voir

ne pas voir seulement ‘ce que l’on savai t d’avance

que l’on verrait?


Comment saisir ce qui n’est pas montré, ce qui n’a pas

été photographié, archivé, restauré, mis en scène?

Comment retrouver ce qui était plat, banal, quotidien,

ce qui était ordinaire, ce qui se passait tous les jours?

c’est ce que l’on voit aujourd’hui

et l’on sait seulement que ce n’était

pas ainsi au début du

siècle

mais c’est cela qui nous est donné à voir

et c’est seulement cela que nous pouvons

montrer

Georges PEREC in Récits d’Ellis Island

Le peintre, le géographe & le monde sensible

Ce que dit le peintre : Nous copions ce que nous possédons et non ce que nous voyons (Marc Chagall).

Ce que dit le géographe : Tout géographe interroge le monde sensible (Henri Chamussy)

Philippe JACOTTET & le cadastre des contrées

je ne veux pas dresser le cadastre de ces contrées, ni rédiger leurs annales : le plus souvent ces entreprises les dénaturent, nous les rendent étrangères ; sous prétexte d’en embrasser la totalité, d’en saisir l’essence, on les prive du mouvement, et de la vie ; oubliant de faire une place à ce qui en elles se dérobe, nous les laissons tout entière échapper.

Philippe JACOTTET in Paysage avec figures absentes

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