Cela fait un moment que je me dis qu’il faut aborder ce Vrai lieu ; simplement parce qu’il y a le mot lieu associé au nom Ernaux. Voilà chose faite.
J’ai un peu lu Annie Ernaux, pas mal même. Un jour trouvant 2€ dans la rue, je vais dans une librairie du Quartier Latin, je vise la collection Folio 2€ je prends L’Occupation. C’est comme cela que je suis entré dans cette œuvre ; grâce à un don anonyme.
Dans ce Vrai lieu, elle nous évoque sa maison, les alentours, son lieu d’écriture, le paysage qu’elle a sous les yeux. Comme Butor, comme d’autres, elle dit ne pouvoir écrire que dans son lieu dédié, privilégié.
[à propos de sa maison de Cergy]
[…] Je ne peux pas écrire en dehors de cette maison, jamais, ni dans une chambre d’hôtel, ni dans n’importe quelle autre résidence. C’est comme si seule cette maison, en m’entourant, permettait ma descente dans la mémoire, mon immersion dans l’écriture.
[…] Par-dessus tout, ce que j’aime dans cette maison, c’est l’espace. L’espace intérieur, et encore plus, l’espace extérieur, cette grande vue sur la vallée de l’Oise et les étangs de Cergy-Neuville. La vue change tout le temps, la lumière n’est jamais la même sur les étangs. La lumière qui va jusqu’à Paris puisque d’ici on distingue la tour Eiffel. Le soir je la vois illuminée. À la fois proche et loin. Je crois que ça correspond bien à ce que je ressens vis-à-vis de Paris, peut-être même par rapport à ma place dans le monde. Paris au fond […] je n’y entrerais jamais…
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[à propos de de Cergy]
J’entends dire aussi [que Cergy] est un non-lieu, pas du tout, c’est un lieu qui a déjà une histoire, et qui s’accroît des histoires des gens.
Simplement, tout passe ici plus vite qu’ailleurs […]. C’est une ville en perpétuelle évolution, jamais définitive. A cause de ces changements rapides, il semble que je suis davantage encline à noter ce qui va disparaître, ces visages, ces instants. Parce qu’au fond, tant que je n’ai pas écrit sur quelque chose, ça n’existe pas.
Annie ERNAUX, Le vrai lieu (entretiens avec Michelle Porte)