Les lieux de La Comédie humaine / abrégé de géographie des romans de Balzac
La géographie a son importance dans La Comédie humaine, et Balzac en a bien conscience lorsqu’il annonce, dans l’Avant-propos
J’ai tâché de donner une idée des différentes contrées de notre beau pays. Mon ouvrage a sa géographie comme il a sa généalogie et ses familles, ses lieux et ses choses, ses personnes et ses fait.
La géographie de La Comédie humaine est avant tout parisienne puis, en grande partie, a pour support la moitié nord de la France, avec quelques excursions à l’étranger proche (Suisse, Italie, Allemagne, Belgique)
Les intrigues se déroulent pour la plupart en France et principalement à Paris. Mais la province est néanmoins essentielle pour la démonstration d’une opposition entre la vie parisienne et la vie provinciale.
L’un des objectifs de La Comédie humaine étant de décrire de manière le plus exhaustive possible la société de la première moitié du XIXè siècle (l’écrivain s’annonce à un moment historien des mœurs), Balzac essaye donc de s’intéresser à tous les espaces qui la compose comment en témoigne les titres de certaines parties : Scènes de la vie parisienne, Scène de la vie de province, Scène de la vie de campagne, Scènes de la vie privée.
Souvent, lorsque Balzac consacre une partie conséquente d’un roman à la province, c’est pour évoquer l’ascension d’un provincial à Paris (on peut citer Illusions perdues ou La Muse du département).
La géographie romanesque Balzac se calque en grande partie sur sa propre géographie. Il nourrit sa connaissance de la province notamment grâce à ses voyages : La Rabouilleuse à Issoudun et Illusions perdues à Angoulême (régions de l’amie Zulma Carraud), La Femme abandonnée et L’Enfant maudit à Bayeux (ville où a habité sa sœur Laure), Béatrix à Guérande, Albert Savarus à Besançon ou encore Le Médecin de campagne à La Grande Chartreuse (autres lieux où il voyage) et la Touraine natale où il séjourne une dizaine de fois à l’âge adulte (Le Lys dans la vallée, La Grenadière, Le Curé de Tours…).
Les œuvres dont les intrigues se déroulent à l’étranger sont, sinon rares, du moins peu nombreuses. La plupart d’entre elles sont classées dans ses Études philosophiques (Massimilla Doni se déroule à Venise, Sarrasine à Rome, L’Élixir de longue vie à Ferrare, L’Auberge rouge en Allemagne, Jésus-Christ en Flandres en Belgique, Albert Savarus en partie en Suisse, Séraphîta en Norvège, El Verdugo en Espagne).
Quant aux très grands voyages, ils ne sont pas complétements oubliés par l’auteur, mais ce sont des voyages hors du livre. Les personnages sortent alors du cadre du récit, et leurs voyages ne sont qu’à peine évoqués.
Si on peut dire que l’écrivain à une connaisssance géographique parfois assez peu précise – « Pour [Balzac], l’Orient est un monde sans délimitation géographique précise ; dans son esprit, « l’Asie et l’Orient se recouvrent largement » [cf P. Citron]. » – on peut néanmoins noter que les personnages de Balzac visitent presque tous les continents
Charles Mignon va à Canton dans Modeste Mignon
Philippe Bridau va à New-York et en Algérie dans La Rabouilleuse
Paul de Manerville à Calcutta, Montriveau en Haute-Egypte et en Afrique centrale (pour suivre les conquêtes napoléoniennes)….
Charles Grandet va à Java dans Eugénie Grandet
Charles devint dur, âpre à la curée. Il vendit des Chinois, des Nègres, des nids d’hirondelles, des enfants, des artistes ; il fit l’usure en grand. L’habitude de frauder les droits de douane le rendit moins scrupuleux sur les droits de l’homme. Il allait alors à Saint-Thomas acheter à vil prix les marchandises volées par les pirates, et les portait sur les places où elles manquaient. Si la noble et pure figure d’Eugénie l’accompagna dans son premier voyage comme cette image de Vierge que mettent sur leur vaisseau les marins espagnols, et s’il attribua ses premiers succès à la magique influence des voeux et des prières de cette douce fille ; plus tard, les Négresses, les Mûlatresses, les Blanches, les Javanaises, les Almées, ses orgies de toutes les couleurs, et les aventures qu’il eut en divers pays effacèrent complétement le souvenir de sa cousine, de Saumur, de la maison, du banc, du baiser pris dans le couloir. Il se souvenait seulement du petit jardin encadré de vieux murs, parce que là sa destinée hasardeuse avait commencé ; mais il reniait sa famille : son oncle était un vieux chien qui lui avait filouté ses bijoux ; Eugénie n’occupait ni son coeur ni ses pensées, elle occupait une place dans ses affaires comme créancière d’une somme de six mille francs. Cette conduite et ces idées expliquent le silence de Charles Grandet. Dans les Indes, à Saint-Thomas, à la côte d’Afrique, à Lisbonne et aux Etats-Unis, le spéculateur avait pris, pour ne pas compromettre son nom, le pseudonyme de Sepherd. Carl Sepherd pouvait sans danger se montrer partout infatigable, audacieux, avide […]
Eugénie Grandet
Si certains personnages des romans de Balzac font de long voyages, la plupart de ses personnages font des voyages relativement communs dans leurs modes de transports.