Je lis du Jean-Philippe Toussaint, pour la première fois, sur conseil de la bibliothécaire du bourg aux 2 chateaux (après le club de lecture, « ça devrait vous plaire, vous qui écrivez », alors j’emprunte L’Urgence et la patience). Ça se lit bien et j’y pioche 2 petites choses : ‘La Distance et le lieu provisoire’ dans l’écriture.
[…] c’est lors de ce voyage en Algérie […] que j’ai enfin trouvé le recul nécessaire, la bonne distance – plusieurs milliers de kilomètres me séparaient de la France – pour évoquer Paris. Cette idée d’éloignement me paraît décisive. Car la distance oblige à un plus grand effort de mémoire pour recréer les lieux que l’on décrit : les avoir réellement sous les yeux, à portée de regard pour ainsi dire, induirait une paresse dans la description, un manque d’effort dans l’imagination, alors qu’être dans l’obligation de recréer une ville et ses lumières à partir de rien […] apporte vie et puissance de conviction aux scènes que l’on décrit.
et plus loin
Les lieux où je travaille sont toujours provisoires, ils ont une autre affectation en mon absence. […] J’arrive, je prends possession des lieux, j’installe mon matériel […]. Quand je m’en vais, j’emporte tout, il ne reste aucune trace de mon passage.
J.-P. Toussaint, L’Urgence et la patience
11 juillet 2012 at 10:44
Toussaint est très inégal (derrière une apparence sempiternelle), mais si je puis vous en recommander un, ce serait : « Fuir ». J’ai coutume de dire qu’il y a dans « Fuir » les pages les plus importantes de la décennie 2000, en termes de définition de l’époque. Il est dans un train en Asie, enlacé par une jeune femme, et sa femme l’appelle depuis le Louvre pour lui annoncer la mort de son père (à elle). Et il prend le temps de décrire tous les états de la lumière, dans différents lieux qui les séparent à cet instant. C’est le seul moment de la littérature récente, selon moi, où un livre fait autant que le cinéma de Hou Hsiao-hsien, Jia Zhang-ke, Weerasethakul… Voyez.